Hommage à Paul 19 octobre

Voici la prise de parole de Bruno lors du rassemblement du 19 octobre à Tours.
Paul, tué à Paris cette semaine, Marion, décédée à Tours la semaine dernière, mais aussi toi Marine, victime en 2021 d’un accident mortel à vélo sur le rond-point Saint Sauveur, toujours à Tours, et vous toutes et tous cyclistes, piétonnes et piétons, usagères et usagers vulnérables de l’espace public tués ou meurtris dans vos chairs,
Je ne vous connais pas, et pourtant, en tant que cycliste qui circule quotidiennement à Tours, je ne peux m’empêcher de m’identifier à vous. De me dire « cela aurait pu être moi ».
Je suis certains que vous êtes nombreuses et nombreux rassemblés ici aujourd’hui à partager ce sentiment. Ces drames résonnent chez beaucoup d’entre nous.
Aujourd’hui nous sommes tristes, sous le choc, mais nous sommes aussi en colère.
En tant que cycliste, mais aussi en tant que piéton, nous avons toutes et tous déjà été victimes de la violence motorisée : coup de klaxon, refus caractérisé de priorité, non respect assumé des infrastructures cyclables ou piétonnes, insultes souvent sexistes ou homophobes, vitesses excessives, intimidation, dépassements dangereux, et j’en passe.
Cette violence qui augmente comme augmente le volume des véhicules dans nos villes, et donc la vulnérabilité des usagers les plus fragiles, confrontés à ses mastodontes sur roues. Il est d’ailleurs ironique de constater que les acheteurs de SUV, souvent motivés par le sentiment de sécurité qu’amène ces véhicules massifs et surélevés, le font au détriment de la sécurité des usagers les plus vulnérables.
Cette violence qui augmente comme augmente le nombre de livraison Amazon, Uber Eats et autres. Les livreurs, sous pression de leur employeur, qui profite de leur vulnérabilité tout en cherchant à satisfaire l’exigence d’immédiateté de leur clients, deviennent parfois les acteurs de cette violence.
Cette violence qui augmente dans notre société de plus en plus individualiste où l’autre n’est plus vu comme un égal, comme un autre être humain mais comme un obstacle à franchir, une contrainte dans son déplacement.
Pour lutter contre cette violence grandissante il faut agir, et vite.
Il faut agir sur les comportements des usagers de la route d’abord. Nous rappelons aux automobilistes notre extrême vulnérabilité. Contrairement à vous, nous ne sommes pas protégés par une carrosserie. Malheureusement ce n’est pas un simple casque qui nous préservera d’un choc avec un SUV. Nous voyons trop souvent des comportements irresponsables et agressifs qui nous mettent en danger pour gagner une poignée de secondes, souvent perdus au feu suivant.
Il est également cruciale de mettre fin aux discours du type « oui mais les cyclistes ». Oui certains comportements de cyclistes sont irrespectueux voir intolérables, notamment envers les piétons. Mais n’en faisons pas une généralité et relativisons leur dangerosité. En effet, rappelons que dans les accidents graves impliquant des piétons et des cyclistes, les voitures et les camions sont les principaux responsables. Ce genre de discours déresponsabilise les motorisés et ne fait qu’accentuer l’hostilité envers les cyclistes. Il faut également interroger la manière dont les villes sont représentées dans les publicités automobiles : des espaces fluides, sans congestion ni usagers, une vision complètement déconnectée de la réalité urbaine.
Enfin, il faut agir sur les aménagements cyclables. Les usagers vulnérables sont encore trop souvent la variable d’ajustement dans l’espace public y compris dans des aménagements récents.
Nous devons changer de paradigme et prioriser les aménagements en faveur, et dans cet ordre, des piétons puis des cyclistes puis des transports en commun puis enfin des voitures.
Cette priorisation des modes doit accompagner la mise en place de la « vision zéro », appelée aussi « système sûr », c’est à dire une stratégie globale qui appréhende la sécurité routière de manière systémique et cherche à agir simultanément sur les comportements, les véhicules et l’infrastructure.
La violence motorisée dans nos villes mais aussi dans nos capagnes n’est pas une fatalité. En adaptant les comportements et les infrastructures, nous pouvons créer des espaces publics plus sûrs et plus respectueux pour tous les usagers. Il est temps d’agir pour mettre fin à cette insécurité chronique qui pèse sur les cyclistes et les piétons.
Merci de votre attention.